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Anna Roy raconte son combat contre l’addiction au sucre et les répercussions sur sa vie et sa santé. Pendant dix ans, elle a passé son esprit à ne penser qu’au moment où elle pourrait se remplir de sucre. Si elle ne s’y autorisait qu’à partir de 17 heures, l’envie l’habitait dès le réveil et l’aidait à tenir la journée. Sa routine débutait par un goûter composé de deux pâtisseries, d’un chocolat chaud et de tartines, un rituel partagé avec ses deux enfants.
Elle ingurgitait du sucre tout au long de la journée, jusqu’au moment du coucher, en continu, à en être ivre de sucre. « Il me faut ma dose quoi que je fasse. » Lorsqu’elle partait en week-end chez des amis, elle glissait des gâteaux dans sa valise et planquait sa came pour la consommer en douce une fois la nuit tombée. Plus elle mangeait, moins elle ressentait le soulagement recherché et les doses augmentaient jusqu’à l’étourdissement.
Des kilos en trop et les conséquences sur la santé
En quelques mois, notamment en 2013, elle prend 58 kilos, totalisant ainsi 126 kilos. Elle comprend alors qu’elle n’est pas simplement grosse, mais bien en obésité sévère, et que le sucre n’est pas un plaisir mais une addiction qui l’aliène. « Le sucre m’aliène, il me rend folle et me sort de moi-même », confie-t-elle, consciente que son corps délire pendant que sa tête s’empare de maladies imaginées. Ses problèmes de santé se multiplient: hypertension, prédiabète, hypoglycémies réactionnelles, asthme et acné.
Malgré tout, son alimentation reste variée et méditerranéenne: légumes, légumineuses, poisson, huile d’olive, fruits et noix. Elle ne consomme pas de plats transformés et cuisine tous les jours, ce qui montre une volonté forte de rester maître de sa nutrition malgré l’addiction au sucre.
Traumas et souffrance: pourquoi le sucre devient une échappatoire
Ainsi s’installent des années de douleur profonde. La mort de son père, à 59 ans, la plonge dans une tristesse indescriptible et une douleur qui semble sans fin. Il ne disait pas “Je t’aime”; pourtant, son regard d’admiration lui manque cruellement et elle le porte en elle comme refuge perdu. Puis surviennent deux viols — dont un après avoir été droguée lors de soirées mondaines — et deux fausses couches. Dans ce tumulte, elle choisit de considérer que tout cela n’est pas signifiant, et elle se protège en limitant son sentiment de peur des hommes.
À cela s’ajoute sa souffrance de soignante: son métier est une merveille, mais les drames, la mort et la douleur d’autrui font aussi partie de son quotidien. Après ces traumatismes, elle nourrit l’idée que manger peut être une consolation et que le sucre peut contenir sa douleur. Elle mange pour se consoler et grossit pour encaisser les coups, absorber la souffrance et tenir debout dans l’ombre des autres.
Le sevrage: un chemin brutal mais libérateur
Elle consulte à plusieurs reprises, mais on lui répète inlassablement de “réduire”. Juste un goûter et un dessert, lui disent les interlocuteurs, et pourtant elle sait qu’elle ne peut pas. « Je suis complètement accro au sucre, comme on l’est à l’alcool ou à l’héroïne », affirme-t-elle. L’électrochoc vient grâce les mots d’une amie: « Si tu continues à prendre du poids comme ça, tu vas mourir. Tu n’as pas le droit de te faire ça. Tu es en train de te tuer à petit feu. » Ces mots la réveillent et, au matin de mars 2023, l’envie de vivre prend le pas sur celle de manger du sucre.
Pour elle, une vie sans sucre est une vie sans béquille ni plaisir, mais c’est « ça ou crever ». À 17 heures, elle ressent des palpitations, des douleurs abdominales, des mouches devant les yeux et des acouphènes; un mal-être qui la force à s’allonger. La faim la poursuit du matin au soir et le sevrage se fait sans accompagnement médical, psychologique ou social — sans substitution non plus — ce qui rend l’expérience particulièrement violente et dépourvue de filtre entre l’extérieur et elle-même.
Pour tenir, elle met en place un dispositif personnel de soutien: podcasts sur les addictions, mesure de sa glycémie, pesée mensuelle, oléagineux en cas de fringales et verbalisation de ses émotions à voix haute. Elle s’inspire aussi de la nutritionniste @nutri.keto et se projette dans une vie d’après, avec l’espoir d’un équilibre retrouvé.
Avec le sevrage, elle comprend qu’elle se fondait dans les autres et que, sans sucre, elle ne se fondait plus en elle-même. Peu à peu, elle ressent des bénéfices importants: sa tension et ses glycémies se normalisent, son rythme cardiaque au repos diminue, les douleurs articulaires et les chutes de cheveux diminuent, ses cycles menstruels se régulent et son énergie revient. L’asthme disparait et les crises d’angoisse et d’hypocondrie diminuent; elle ne se réveille plus en pleurant et son corps témoigne d’un contentement nouveau.
« Je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis l’arrêt du sucre », affirme-t-elle, se sentant plus vivante et plus pleinement émue par toutes les émotions — positives comme négatives — qui s’intensifient désormais. Elle décrit ce tournant comme un long coma qui se termine et une vie qui renaît, plus authentique et plus présente.
Vers une vie retrouvée et un bien-être durable
À travers ce témoignage, Anna Roy illustre comment l’addiction au sucre peut dominer le quotidien et comment le sevrage, bien que difficile, peut ramener le corps et l’esprit à l’équilibre. Elle montre que le chemin vers la santé mentale et physique passe par une écoute plus attentive de soi, une discipline personnelle et des soutiens adaptés. Son parcours met en lumière l’importance de la nutrition dans la reconstruction du bien-être et de l’autonomie face à des dépendances puissantes.
Pour ceux qui traversent des situations similaires, ce témoignage rappelle qu’il est possible de reprendre le contrôle, pas à pas, avec du courage, de la persévérance et un accompagnement adapté — même lorsque la route semble sans issue au départ. Anna Roy demeure aujourd’hui porte-parole d’un parcours de vie qui valorise la résilience et la réconciliation avec soi-même.