Près de deux mois après avoir balayé la région, l’impact de l’Hurricane Melissa continue de se faire sentir cruellement. En Haïti et ailleurs dans les Caraïbes, une crise humanitaire majeure s’installe dans la durée, laissant des milliers de survivants sans abri et confrontés à une insécurité alimentaire grandissante alors que l’aide internationale peine à couvrir l’immensité des besoins.

Des cicatrices encore vives à Petit-Goâve

À Petit-Goâve, dans le sud d’Haïti, les stigmates de la catastrophe sont omniprésents. Amizia Renotte, assise sur les débris de ce qui fut sa maison, pointe du doigt un amas de terre laissé par les inondations. Sa demeure a été anéantie lorsque les bandes extérieures de l’ouragan de catégorie 5 ont frappé la région fin octobre.

« Nous avons couru. Nous n’avons rien pu sauver », se remémore-t-elle, évoquant son réveil brutal au milieu de la nuit, encerclée par les eaux. Bien que la saison des ouragans soit officiellement terminée, la reconstruction semble hors de portée pour des milliers de sinistrés comme Amizia.

Le bilan humain en Haïti s’élève à au moins 43 morts, la majorité à Petit-Goâve. La ville, autrefois animée par ses agriculteurs et ses commerçants, est aujourd’hui étouffée par la boue. Le bruit des machines lourdes résonne alors que les équipes tentent de déblayer les débris charriés par la rivière La Digue, qui a emporté sur son passage enfants, véhicules et habitations.

L’ombre de la famine et l’urgence alimentaire

Au-delà des pertes matérielles, la faim guette. Lors d’une récente distribution de produits de base — pâtes, riz, beurre — la foule se pressait devant une petite épicerie locale. Parmi eux, Joceline Antoine, 37 ans, qui pleure la perte de cinq membres de sa famille. « Ma maison est détruite », confie-t-elle simplement.

Lola Castro, directrice régionale du Programme Alimentaire Mondial (PAM) de l’ONU, souligne que l’Hurricane Melissa a considérablement aggravé les crises préexistantes en Haïti. « Environ 5,3 millions de personnes ne mangent pas à leur faim chaque jour en Haïti. C’est un défi colossal », a-t-elle déclaré.

L’impact économique est désastreux pour cette communauté agricole qui dépendait des cultures de bananes plantains, de maïs et de haricots. « Ils ont perdu leurs revenus. Ils ont perdu leurs moyens de subsistance », alerte la responsable onusienne.

La Jamaïque et Cuba face au défi de la reconstruction

La Jamaïque voisine porte également le lourd héritage de la tempête, avec des dommages estimés à près de 8,4 milliards d’euros. Le bilan officiel fait état de 45 décès confirmés et de plusieurs disparus. Les autorités sanitaires s’inquiètent désormais de la propagation de maladies : 30 cas de leptospirose ont été confirmés et le tétanos a déjà fait une victime.

Pour faire face à l’urgence, notamment la restauration du réseau électrique prévue pour fin janvier, le gouvernement jamaïcain a obtenu un prêt d’environ 142 millions d’euros. Un plan de reconstruction plus vaste, soutenu par plusieurs institutions financières internationales dont le FMI et la Banque Mondiale, a été sécurisé à hauteur de 6,3 milliards d’euros sur trois ans.

À Cuba, bien qu’aucun décès direct n’ait été signalé grâce à l’évacuation préventive de 700 000 personnes, la situation reste précaire. Des milliers de résidents n’ont toujours pas pu regagner leur domicile.

Un appel au financement international

Au total, l’ONU estime que l’ouragan a affecté six millions de personnes dans les Caraïbes. Aujourd’hui, 1,3 million d’habitants de la région nécessitent une aide alimentaire ou sécuritaire immédiate. Le PAM, qui vient en aide à 725 000 d’entre eux, tire la sonnette d’alarme : son appel de fonds de 78 millions d’euros n’est financé qu’à hauteur de 50 %.