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Le rabbin en chef de Rome, Riccardo Di Segni, participera à pied aux funérailles du pape François, respectant ainsi les prescriptions du Shabbat, qui interdit notamment l’usage de la voiture. Cette démarche symbolique souligne l’importance du dialogue interreligieux entre judaïsme et catholicisme, malgré les tensions politiques persistantes entre le Vatican et le gouvernement israélien.
Des relations politiques tendues entre Israël et le Vatican
Le rapport entre le pape François et le gouvernement israélien a été marqué par des frictions, notamment en raison du refus du Premier ministre Benjamin Netanyahu de rendre hommage au souverain pontife et de son absence lors des funérailles. Le ministère des Affaires étrangères israélien a même supprimé un message de condoléances diffusé sur les réseaux sociaux à la mort du pape. En conséquence, Israël sera représenté uniquement par son ambassadeur auprès du Saint-Siège, Yaron Zeidman.
Cependant, cette rupture politique ne reflète pas la dynamique du dialogue religieux, qui n’a jamais été interrompu malgré les conflits géopolitiques, notamment la guerre à Gaza. Le pape François avait même envisagé de se rendre à Gaza comme porteur d’une bannière blanche pour la paix.
Un hommage religieux au-delà des tensions
Le rabbin Riccardo Di Segni a choisi de participer aux funérailles, après avoir rendu hommage à la dépouille du pape à la résidence de Santa Marta. Il sera présent parmi les autorités à la basilique Saint-Pierre.
« Nous rappelons Bergoglio avec un profond respect », déclare Di Segni, « avec ma communauté, nous exprimons notre condoléance pour sa disparition et nos sincères condoléances au monde catholique ». Il souligne également la qualité du dialogue entretenu avec le pape : « Nous avons partagé de nombreux moments empreints de sympathie, d’attention et de confiance. L’importance du dialogue entre nos religions est profonde. »
Un déplacement respectant le Shabbat
Le défi pour le rabbin était de se rendre aux funérailles sans enfreindre les règles de la Halachà, la loi juive, qui interdit notamment de conduire un véhicule durant le Shabbat. Généralement, les Juifs ne participent pas aux funérailles le samedi, jour sacré de repos, de prières et de famille, qui impose de nombreuses restrictions comme l’interdiction de cuisiner, de conduire ou d’écrire.
Cette fois, le rabbin en chef fait exception et a décidé de parcourir la distance à pied. De son domicile à la place Saint-Pierre, il lui faudra environ une heure et onze minutes de marche, une véritable « scarpinata » selon l’expression romaine.
Un pont entre judaïsme et catholicisme
Le rabbin participe à la cérémonie pour rappeler que le pontificat de François a représenté « un chapitre important dans l’histoire des relations entre judaïsme et catholicisme, avec des ouvertures à un dialogue parfois difficile mais toujours respectueux ». Un moment marquant fut la visite de François au Temple majeur de Rome, le 17 janvier 2016, devenant le troisième pape à franchir les portes de la synagogue après Jean-Paul II et Benoît XVI.
En tant qu’expert des textes juifs, Di Segni sait que dans des circonstances exceptionnelles, telles que la mort de chefs religieux ou souverains, la participation aux funérailles est autorisée, tout en respectant les interdits fondamentaux du Shabbat.
Il s’appuie sur des précédents célèbres, notamment la présence de rabbins aux funérailles de Lady Diana le samedi 6 septembre 1997, et à celles de la reine Elizabeth II, le samedi 17 septembre 2022. Cependant, aucune voiture ne sera utilisée pour son déplacement vers le Vatican, conformément aux règles du Shabbat qui s’étend du vendredi au coucher du soleil jusqu’au samedi soir.
Des précédents illustrant le respect du Shabbat
Netanyahu lui-même avait respecté ces règles lors des funérailles de l’ex-chancelier allemand Helmut Kohl, le samedi 1er juillet 2017 à Strasbourg. Il avait marché à pied depuis son hôtel jusqu’au Parlement européen et avait refusé de signer le livre d’or pour ne pas transgresser le Shabbat.
De même, pour l’incoronazione de Charles III le samedi 6 mai 2023, le grand rabbin du Royaume-Uni Ephraim Mirvis avait assisté à la cérémonie à l’abbaye de Westminster après avoir séjourné avec son épouse au palais de St. James, à distance de marche du lieu du rite. Il expliquait ainsi suivre les traces de son prédécesseur Rabbi Hermann Adler, qui avait agi de même en 1902.
Un dialogue interreligieux malgré les divergences politiques
Sur le plan politique, Riccardo Di Segni n’a pas caché ses critiques à l’encontre de la politique israélienne, notamment au sujet du conflit à Gaza, où le pape François a dénoncé la cruauté de l’IDF et évoqué la possibilité d’un génocide. Néanmoins, le dialogue interreligieux perdure sur un plan spirituel et culturel.
Le président israélien Isaac Herzog a exprimé son condoléance officielle, qualifiant François d’« homme de foi profonde et de compassion sans bornes, qui a consacré sa vie à aider les pauvres et à appeler à la paix dans un monde troublé ». Cette position diffère nettement de celle de Netanyahu. Herzog a ajouté espérer que les prières du pape pour la paix au Moyen-Orient et la libération des otages soient entendues rapidement.
Porté par cette conviction, le rabbin Di Segni s’apprête à renforcer le dialogue judéo-catholique depuis le Vatican, en chaussant des souliers confortables pour son long chemin à pied.