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La récente réaction du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, suscite de vives interrogations face à ce qui apparaît comme un traitement inégal des drames touchant la société française, en particulier ceux mêlant islamophobie et violences. Son empressement à se rendre à Nantes après le meurtre au couteau d’une lycéenne contraste nettement avec son absence, en tant que responsable des cultes, lors du meurtre d’Aboubakar Cissé, jeune Malien tué dans une mosquée du Gard dans des circonstances marquées par un mobile antimusulman.
Un meurtre à caractère islamophobe à La Grand-Combe
Le 25 avril dernier, Aboubakar Cissé, 22 ans, a été assassiné dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe (Gard) par Olivier H., un Français d’origine bosnienne âgé de 20 ans. Une vidéo filmée par le meurtrier lui-même montre la victime en train d’agoniser tandis que son assaillant profère des insultes ciblant explicitement la religion musulmane, répétant notamment : « Ton Allah de merde. »
Une information judiciaire a été ouverte pour « meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion », confirmant la gravité de l’acte et son caractère islamophobe. Ce contexte soulève un débat crucial autour de la réaction des autorités face à de tels actes motivés par la haine religieuse.
Des réactions politiques contrastées
Alors que le président de la République a rapidement condamné « le racisme et la haine en raison de la religion » et que le Premier ministre a dénoncé « l’ignominie islamophobe », le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a initialement qualifié l’événement d’« épouvantable » sans se déplacer immédiatement sur place. Ce n’est que trois jours plus tard qu’il s’est rendu à la préfecture du Gard et qu’il a annoncé rencontrer prochainement la famille de la victime.
En parallèle, Bruno Retailleau s’est montré prompt à se rendre à Nantes dès le 24 avril, quelques heures après le meurtre au couteau d’une lycéenne. Lors de cette visite, il a évoqué, de manière controversée, « l’ensauvagement » et « une société qui a voulu déconstruire l’autorité », des propos jugés précipités et inappropriés par certains observateurs, notamment en raison de l’absence d’enquête approfondie sur les circonstances réelles du drame.
Une critique du deux poids, deux mesures
Le contraste entre ces deux réactions a ravivé la problématique du « deux poids, deux mesures » en matière de prise en charge des violences, notamment celles à caractère islamophobe. En politique comme dans les médias, ce concept demeure un sujet sensible, mais il est difficile d’ignorer l’impression d’inégalité face à l’expression publique de la solidarité et de la justice.
Depuis plusieurs années, les autorités françaises se rendent rapidement sur les lieux de drames majeurs pour témoigner de leur soutien et de leur engagement, comme en 2016 lors du meurtre du père Jacques Hamel. La différence d’attitude du ministre Retailleau soulève donc un questionnement profond sur la cohérence et la sensibilité des responsables politiques envers les victimes d’actes motivés par la haine religieuse.
Une montée inquiétante des actes antimusulmans
Les services de la Place Beauvau rapportent eux-mêmes une recrudescence des actes antimusulmans ces derniers mois, accentuant l’inquiétude des populations concernées. Tous les habitants de France ont droit à la protection, à l’écoute et, le cas échéant, à la compassion des autorités publiques.
Il est d’autant plus préoccupant que des millions de Français d’origine ou de confession musulmane soient instrumentalisés dans des joutes politiciennes, où l’islam est parfois confondu avec l’islamisme, ou où les menaces liées à ce dernier sont niées. Cette situation menace la cohésion sociale et alimente une forme de concurrence entre victimes, un poison dénoncé par de nombreux experts.
La laïcité à l’épreuve de la haine religieuse
Au cœur du débat se trouve le principe fondamental de la laïcité, qui vise à concilier la vie en commun et la liberté religieuse. Celle-ci ne peut tolérer ni la haine envers les croyants d’une religion, ni aucune attitude qui alimenterait la division ou la stigmatisation.
Face à l’islamophobie croissante, la responsabilité des autorités est d’assurer une protection égale et sans discrimination à toutes les victimes, tout en veillant à ne pas instrumentaliser ces drames à des fins politiques, afin de préserver l’unité et la paix sociale.