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Sur les réseaux sociaux et les plateformes de rencontres, de nombreux utilisateurs handicapés sont confrontés à une forme de cyberharcèlement singulière : le fétichisme de leur handicap. Ce phénomène validiste, encore peu étudié en France, perturbe profondément la vie de ces personnes et les pousse parfois à se déconnecter ou supprimer leurs comptes.
Des messages intrusifs et sexualisés
Depuis 2019, Em, 24 ans, militante handi-féministe employant un pseudonyme, est régulièrement la cible de messages fétichistes sur Instagram. Amputée à l’adolescence et atteinte du syndrome de Protée — une maladie rare provoquant une croissance anormale des os, de la peau et d’autres tissus — elle a identifié plusieurs types d’interactions.
Certains utilisateurs lui demandent des photos de son moignon ou complimentent sa prothèse, tandis que d’autres la perçoivent comme une personne asexuelle et « en sucre ». Em fait également face à des comptes dits « amputés fans », qui likent et commentent chacune de ses publications et lui envoient fréquemment des messages privés. Plus inquiétant encore, certains vont jusqu’à une hypersexualisation accompagnée de propos grossiers, à l’image de commentaires comme « tu as dû bien te faire baiser pour boiter ».
Un phénomène enraciné dans l’histoire médiatique
En France, bien que les recherches sur le cyberharcèlement validiste soient rares, le sociologue Pierre Brasseur, spécialisé dans le handicap et les sexualités, rappelle que la représentation érotique des personnes handicapées existe depuis longtemps. Des revues érotiques ont longtemps publié des images pornographiques mettant en scène des individus avec un handicap.
À titre d’exemple, dès 1972, le magazine Penthouse publiait une série de lettres de lecteurs exprimant leur attirance pour les personnes amputées, soulignant ainsi l’ancienneté et la persistance de ce type de fétichisme.
Les impacts sur les victimes et la société
Ce cyberharcèlement, qui mêle fétichisme et validisme, crée un environnement hostile pour les personnes handicapées, fragilisant leur confiance en elles et leur présence en ligne. La pression constante et la sexualisation intrusive génèrent souvent une souffrance psychologique importante.
Face à ces atteintes, certains victimes choisissent de se retirer temporairement ou définitivement des réseaux sociaux, perdant ainsi un espace important d’expression et de socialisation. Ce phénomène soulève des questions essentielles sur l’inclusivité, le respect et la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap dans le monde numérique.