Home ActualitéGuadalajara 2026 : effacer les disparus pour la Coupe du Monde

Guadalajara 2026 : effacer les disparus pour la Coupe du Monde

by Sara
Mexique, États-Unis

Guadalajara se prépare à accueillir quatre matches de la Coupe du Monde 2026, et des ouvriers s’affairent jour et nuit pour remettre à neuf les infrastructures en vue du tournoi. Les travaux intensifs ont transformé la circulation en un véritable parcours du combattant pour les habitants et les visiteurs.

Mais la ville fait face à un problème bien plus profond que les embouteillages : située dans l’État de Jalisco, Guadalajara concentre l’un des taux les plus élevés de personnes disparues au Mexique. Tandis que l’image urbaine fait l’objet de nettoyages en vue du grand événement, des familles continuent de réclamer des réponses.

Un bilan officiel et des chiffres qui inquiètent

Les chiffres officiels attribuent à l’État de Jalisco près de 16 000 personnes disparues, sur un total national de plus de 130 000 cas recensés. Ces statistiques sont largement considérées comme sous-estimées, car de nombreux proches hésitent à déclarer une disparition par crainte de représailles.

Sources et reportages complémentaires :

Le rond-point des disparus : mémorial menacé

Au centre de Guadalajara, le « rond-point des disparus » est devenu un lieu de mémoire vivant où s’accumulent portraits, affiches et panneaux identifiant les personnes introuvables. Face à la proximité de la Coupe du Monde, les autorités locales ont menacé depuis plusieurs mois d’enlever ces images, pratique dénoncée comme une nouvelle forme d’effacement.

Selon des médias locaux, des menaces d’intervention administrative visent à supprimer les portraits exposés, en dépit de leur rôle crucial pour les familles.

Reportage local sur les pressions pour retirer les affiches

Visages et histoires : quelques disparitions récentes

Les affiches qui recouvraient les poteaux électriques et le monument racontent chacune une histoire : disparition, âge, date et lieu. Parmi elles figurent :

  • Elda Adriana Valdez Montoya, 32 ans, disparue à Guadalajara le 10 août 2020.
  • Jordy Alejandro Cardenas Flores, 19 ans, disparu le 19 mai 2022 à Tlaquepaque — l’affiche indique qu’il a été « emmené » par des agents du bureau du procureur de l’État et n’en est jamais revenu.
  • Cristofer Aaron Leobardo Ramirez Camarena, 16 ans, porté disparu à Tlajomulco de Zúñiga le 21 avril 2024.
  • Martha Leticia Diaz Lopez, 67 ans, disparue à Guadalajara le 27 juin 2025.

Ces cas illustrent la diversité des victimes : jeunes et moins jeunes, prises dans un contexte d’impunité généralisée.

Cartels, responsabilité de l’État et impunité

Si l’on pointe souvent la responsabilité des cartels — notamment le puissant Cartel Jalisco Nueva Generación — les preuves et témoignages montrent également l’implication, directe ou indirecte, d’acteurs publics. Cela va de la collaboration avec des groupes criminels à la tolérance d’un climat d’impunité qui facilite les exactions.

La vague des disparitions s’est intensifiée après le lancement, en 2006, de la « guerre contre la drogue » au Mexique, une stratégie qui n’a pas résolu le problème et qui a accompagné une hausse dramatique des homicides.

Lectures utiles :

Fouilles, fosses clandestines et proximité du stade

Malgré l’ampleur des travaux autour du stade et la visibilité internationale que crée la Coupe du Monde, des fouilles ont mis au jour des fosses clandestines et des centaines de sacs contenant des restes humains près du stade Akron.

Ces découvertes sont d’autant plus préoccupantes que certains sites de sépulture clandestine sont situés à proximité immédiate des zones réaménagées pour l’événement sportif.

Enquête locale : sacs et restes humains près du stade

Collectifs de recherche : les Guerreros Buscadores

Face à l’inaction des institutions, des collectifs de citoyens se sont organisés pour rechercher les disparus. Les Guerreros Buscadores de Jalisco parcourent le terrain, fouillent des sites potentiels et alertent l’opinion publique.

Maribel Cedeño, membre du collectif, a perdu son frère José Gil Cedeño Rosales, disparu le 21 septembre 2021 à Tlajomulco de Zúñiga. Elle déplore qu’aucun changement tangible n’ait accompagné la promesse présidentielle de mieux traiter la question des disparitions.

Elle s’interroge : « Où est notre sécurité ? Où est la sécurité pour nos proches, ou pour celles et ceux dont la vie est menacée parce qu’ils cherchent leurs disparus ? »

Analyse : disparition forcée et responsabilités (Al Jazeera)

Teuchitlán : un ranch, un four crématoire clandestin

En mars, les Guerreros Buscadores ont découvert un ranch près de Teuchitlán, à une heure de Guadalajara, où se trouvait un prétendu four crématoire clandestin. Le site aurait été utilisé par le Cartel Jalisco Nueva Generación comme lieu d’extermination et de formation.

Curieusement, les autorités avaient saisi la propriété des mois auparavant sans repérer les fragments osseux ni les centaines de chaussures éparpillées sur place.

Récit de terrain : l’auteur a tenté de se rendre au ranch après l’avoir repéré sur une application de transport, mais l’accès était bloqué par la Garde nationale mexicaine. L’impossibilité d’accès et la mise sous scellés du lieu ont alimenté les soupçons d’un nettoyage de l’image publique avant la Coupe du Monde.

Enquête : découverte et retentissement médiatique (Al Jazeera)

Une mise en scène face à l’urgence des familles

À quelques mois de l’événement mondial, les efforts publics semblent davantage orientés vers la mise en scène d’une ville sécurisée que vers la recherche de justice. Les travaux urbains et les opérations de communication risquent d’effacer les traces laissées par les familles qui revendiquent la mémoire de leurs disparus.

Pour les proches, l’enjeu est simple : empêcher que leurs proches soient « re-disparus » par l’effacement des images, des plaques et des lieux de mémoire. Les collectifs et les familles continuent d’insister pour que la recherche et la vérité priment sur la seule promotion touristique et sportive.

Résilience et lutte pour la mémoire

Malgré la pression institutionnelle et la violence organisée, des groupes citoyens persistent. Ils fouillent, mobilisent et exposent des réalités que certains voudraient enterrer avec la poussière des travaux urbains.

La bataille pour la mémoire des disparus de Guadalajara est à la fois locale et nationale : elle met en lumière les défaillances institutionnelles et interroge le prix payé par des familles qui cherchent à empêcher la disparition définitive de leurs êtres aimés.

Mot-clé principal : disparus Guadalajara

source:https://www.aljazeera.com/opinions/2025/12/6/world-cup-2026-re-disappearing-mexicos-disappeared

You may also like

Leave a Comment