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L’Union européenne n’a aucune intention de devenir le dindon de la farce face à l’offensive tous azimuts lancée par Donald Trump. Le président américain cherche à conclure un « accord de paix » en Ukraine directement avec Vladimir Poutine, sans impliquer ni les Ukrainiens ni les Européens. Cette approche soulève des inquiétudes sur l’avenir de la sécurité en Europe, Poutine n’hésitant pas à déclarer que l’Alliance atlantique est en état de « mort cérébrale ». De plus, Trump a initié une guerre commerciale qui ne fait que commencer, et il ne cache pas sa volonté de déstabiliser les démocraties occidentales.
« Poutine est beaucoup plus malin que Trump »
Lors de la récente conférence sur la sécurité de Munich, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré : « Trump n’aime pas les amis faibles, il respecte la force. » Cette affirmation a conduit les Européens à réaliser que « l’ami américain » n’est plus. Ils sont désormais déterminés à ne pas se faire « éparpiller par petits bouts, façon puzzle », comme le dit Raoul Volfoni dans le film *Les Tontons flingueurs*. Emmanuel Macron, passionné par ce film, a organisé en urgence à Paris un mini-sommet sur l’Ukraine et la défense européenne en format « Weimar + », réunissant les chefs de gouvernement de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Italie, du Danemark, ainsi que le président du Conseil européen António Costa, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, et le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.
Un diplomate de haut niveau a exprimé que « Trump veut nous traiter comme des supplétifs », évoquant la position de Keith Kellogg, l’envoyé spécial de Trump sur l’Ukraine, qui a effectivement écarté la participation des Européens aux négociations. « Je fais partie de l’école réaliste, je pense que ça ne va pas se produire », a-t-il déclaré. Il est clair que Trump souhaite conclure un accord avec Poutine et impose aux Européens d’assumer la charge de l’application du cessez-le-feu. Ce dernier a insisté sur la nécessité que l’Europe soit présente lors des négociations pour peser sur les conditions de l’éventuel accord et sur les garanties de sécurité offertes à l’Ukraine.
Le mini-sommet de Paris vise à s’organiser face à cette situation. Jean-Noël Barrot, le chef de la diplomatie française, a souligné qu’« il y a un vent d’unité qui souffle sur l’Europe tel qu’il n’y en avait pas eu depuis le Covid ». L’Élysée a choisi de ne pas céder aux demandes de convoquer un Conseil européen de 27 pays en urgence, ce qui aurait risqué de donner une impression d’impréparation et de panique.
Une unité renforcée
Dans la plupart des capitales européennes, on estime que rien n’est joué. Trump a pris le risque de l’échec, ce qui pourrait le conduire à une humiliation. Les experts et diplomates sont stupéfaits par l’« art du deal » du président américain, qui semble faire preuve de naïveté en annonçant d’emblée toutes les concessions qu’il est prêt à faire, comme l’annexion du Donbass ou le départ de Zelensky. Un diplomate a déclaré : « Poutine est beaucoup plus malin que Trump » et souligne que si Poutine accepte de négocier, il sera en position de force, car Trump est pressé.
Ce contexte permet à l’Europe de jouer une carte diplomatique : faire savoir que Trump se fait rouler dans la farine, ce qui pourrait dérailler les négociations. Macron a déjà initié cette stratégie en évoquant une possible « capitulation ».
Des perspectives pour l’Ukraine
L’Ukraine n’a pas dit son dernier mot, même si la Russie semble stagner sur le front. Le financement de Kyiv est garanti jusqu’en 2026 grâce à l’argent des Européens et des États-Unis. Le départ du chancelier pacifiste Olaf Scholz, prévu le 23 février, pourrait finalement permettre à l’Allemagne de livrer les missiles Taurus à Kyiv. De plus, l’Union européenne aide désormais davantage l’Ukraine que les Américains, ce qui complique les efforts de Trump pour l’abandonner.
Un autre acteur pourrait bouleverser la dynamique : la Chine, qui a exigé que les Européens soient à la table des négociations. Alliée de la Russie, la Chine sait qu’elle est également dans le viseur de Trump et cherche à se rapprocher de l’Union pour contrer la guerre commerciale qui se profile. Cela montre que l’ordre mondial ne sera pas décidé uniquement par Washington.
La réponse européenne à Trump
La brutalité de Trump a, jusqu’à présent, renforcé la cohésion européenne. Vendredi, lors d’une réunion des ambassadeurs des Vingt-Sept, tous ont convenu de riposter aux droits de douane punitifs décidés par Washington et de mettre en œuvre sans faille la réglementation européenne du numérique, y compris le Digital Services Act, face aux menaces américaines. Un témoin de la réunion a affirmé : « Il y a une vraie prise de conscience de la très grande majorité des États que l’Union est une puissance économique et commerciale qui a les moyens de se faire respecter, et qu’il faut se préparer à le faire dans le domaine militaire. »
Le sommet de lundi a également pour objectif de dynamiser l’Europe de la défense, notamment en intégrant les industries militaires. Ursula von der Leyen a annoncé qu’elle est prête à réformer le Pacte de stabilité budgétaire pour exclure les dépenses militaires du calcul du déficit public. Friedrich Merz, le probable futur chancelier allemand, a exprimé son ouverture à envisager un emprunt européen pour financer ensemble le réarmement de l’Union.
Tout dépend de l’avenir des démocraties européennes. Si les populistes d’extrême droite parviennent au pouvoir dans plusieurs pays, cela pourrait signifier la fin de l’Union, dans le cadre de l’offensive américaine contre nos démocraties. Le « grand jeu » du XXIe siècle est en marche.