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Dans les Pyrénées, la pression exercée par les attaques d’ours pousse les éleveurs à repenser leurs pratiques pastorales. La famille André, qui conduit ses centaines de brebis depuis 1923 à Soulcem, en Ariège, a décidé cette année de changer de pâturages pour des zones plus sûres dans les Hautes-Pyrénées.
Des pertes alarmantes
« On avait trop de pertes, trop de prédations. L’an dernier, entre les bêtes disparues et celles qu’on a retrouvées mortes, il nous manquait 45 brebis à la fin de l’été », confie Nans André, 34 ans, éleveur à Cérizols, un village situé à une heure au sud de Toulouse. En deux ans, il a perdu 80 brebis, un constat qui le pousse à interroger la viabilité de son métier. « Être agriculteur, c’est déjà assez difficile comme ça. Avec l’ours, c’est trop », ajoute-t-il, tout en caressant Siri, sa fidèle chienne de berger.
L’ours brun, qui avait presque disparu des Pyrénées, a été réintroduit dans les années 1990 dans le cadre d’un programme de conservation. Aujourd’hui, selon l’Office français de la biodiversité (OFB), il y a entre 97 et 127 ours dans les Pyrénées, la majorité en Ariège.
Un troupeau sous surveillance
Partant du village de Gèdre, dans les Hautes-Pyrénées, Nans André, sa sœur Manon, leur père Éric et quelques amis guident leurs 317 brebis tarasconnaises vers la vallée de Campbieil, près du cirque de Gavarnie. Les brebis, marquées d’un « A » vert pour les identifier, se dirigent vers les pâturages d’altitude où elles pourront se nourrir pendant trois mois.
Un agriculteur local indique : « Des ours ici? Il y a un passage par là-haut. Mais cette année, on n’en a pas vu encore. » Les brebis sont équipées de GPS pour faciliter leur géolocalisation.
La réalité des prédations
Dans les Hautes-Pyrénées, les estives ne sont pas autant touchées par les attaques d’ours, contrairement à l’Ariège où 80% de la population d’ours se concentre. Alain Servat, président de la Fédération pastorale de l’Ariège, souligne que chaque année environ 800 brebis sont perdues. Cependant, l’OFB signale une baisse des attaques d’ours.
Indemnisation et défis
Les éleveurs peuvent être indemnisés par l’État en cas de prédation, mais Alain Servat fait remarquer que le processus est complexe. « Si la prédation n’est pas constatée dans les 72 heures par l’OFB, pas de remboursement », explique-t-il. Cela pousse certains éleveurs à abandonner la transhumance, malgré les aides disponibles.
Pour M. Servat, « l’élevage et la présence de l’ours, ce n’est pas compatible ».
Une tradition face aux défis modernes
Malgré ces difficultés, la transhumance reste une tradition forte pour de nombreux éleveurs, leur permettant de garantir une meilleure alimentation pour les animaux. « Ça donne des brebis plus robustes, un meilleur lait, une meilleure reproduction », affirme Manon André.
La montée en estive est également essentielle pour permettre aux champs de se régénérer durant l’été. Éric André considère cette nouvelle direction vers Campbieil comme « une expérimentation ». Il espère qu’elle permettra à la famille de maintenir sa tradition tout en s’adaptant aux défis contemporains.