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Un lanceur d’alerte accuse l’administration Trump d’ignorer des ordonnances judiciaires

by Sara
Un lanceur d’alerte accuse l’administration Trump d’ignorer des ordonnances judiciaires
États-Unis

Un ancien avocat du ministère de la Justice américain (DOJ) a déposé une plainte de lanceur d’alerte accusant des responsables d’ignorer délibérément des ordonnances judiciaires susceptibles de gêner la campagne du président Donald Trump en faveur de déportations massives.

Le mardi, les représentants d’Erez Reuveni ont soumis une lettre de plainte de 35 pages détaillant les allégations de l’avocat contre l’administration Trump. Ce document offre un aperçu des débats et divisions internes au sein du département de la Justice, alors que celui-ci défend les efforts de Trump pour arrêter et expulser rapidement des non-citoyens, un processus générant de sérieuses inquiétudes quant aux violations des droits.

D’après la lettre, les membres de l’administration Trump ont « engagé des activités illégales, abusé de leur autorité et créé des menaces substantielles et spécifiques pour la santé et la sécurité ». En conséquence, M. Reuveni exerce son droit de dénoncer ces actes répréhensibles.

La plainte a été adressée aux membres du Congrès ainsi qu’à l’inspecteur général du ministère de la Justice chargé d’enquêter sur les allégations d’inconduite interne. Reuveni a finalement été licencié en avril.

Rôle clé d’Emil Bove dans les allégations

Un fonctionnaire de l’administration, Emil Bove, figure en bonne place dans les allégations. Ancien avocat personnel de Trump, Bove a défendu le président face à des accusations criminelles à New York l’an dernier, où Trump a été reconnu coupable de 34 chefs d’accusation pour falsification de documents commerciaux.

Depuis, Trump l’a nommé au sein de son administration pour son second mandat présidentiel. Pendant les trois premiers mois, Bove a occupé le poste de procureur général par intérim au DOJ. Cette semaine, il doit comparaître devant le Sénat pour sa confirmation en tant que juge à la Cour d’Appel du troisième circuit des États-Unis.

Pressions pour ignorer les ordonnances judiciaires lors des vols de déportation

Un incident rapporté s’est produit le 14 mars, alors que Trump envisageait d’utiliser une loi de temps de guerre — la loi sur les ennemis étrangers de 1798 — pour faciliter des expulsions accélérées.

Selon Reuveni, Bove aurait informé les avocats du DOJ que Trump allait bientôt signer un ordre invoquant cette loi, rarement utilisée et réservée aux périodes de conflit. Bove aurait ajouté que des avions allaient décoller sous peu pour procéder à des déportations sous cette autorité.

Mais Bove prévoyait une opposition judiciaire. Il aurait insisté pour que les avions décollent « quoi qu’il arrive » et que le ministère de la Justice envisagerait de dire aux tribunaux « f*** you » (formule grossière signifiant un mépris total).

Cette déclaration a plongé la salle dans un silence gêné, selon Reuveni, qui a observé des regards nerveux parmi ses collègues. Pour lui, c’était inouï que des dirigeants du DOJ suggèrent d’ignorer volontairement des ordres de justice.

Intervention judiciaire et vol controversé

Le lendemain, le 15 mars, l’utilisation de la loi sur les ennemis étrangers a été contestée devant un tribunal fédéral de Washington, supervisé par le juge James Boasberg.

Interrogé, un avocat haut placé du DOJ a nié savoir si des vols de déportation allaient bientôt décoller, une affirmation qualifiée de fausse par Reuveni dans sa plainte.

Le juge Boasberg a alors émis une injonction interdisant toute déportation sous cette loi et ordonnant aux avions concernés de faire demi-tour.

Malgré plusieurs courriels envoyés par Reuveni aux départements de la Sécurité intérieure et d’État pour assurer le respect de cette ordonnance, il n’a reçu aucune réponse.

Les vols ont finalement atterri au Salvador, où des centaines d’immigrants déportés ont été envoyés dans une prison appelée le Centre de Confinement pour le Terrorisme (CECOT).

Reuveni prévoyait que le gouvernement serait poursuivi pour outrage au tribunal pour avoir laissé débarquer ces passagers, ce qui a depuis été confirmé comme fondé par le juge Boasberg. Toutefois, une cour d’appel a temporairement suspendu cette procédure.

Le dossier Abrego Garcia : une affaire emblématique

La plainte évoque un second cas dans lequel Reuveni a tenté d’alerter l’administration sur une possible violation d’une autre injonction, avant d’être prié « d’arrêter de poser des questions ».

Il aurait aussi reçu des recommandations d’éviter la correspondance écrite pour limiter toute trace documentaire, préférant la communication téléphonique.

Une troisième affaire concerne Kilmar Abrego Garcia, un Salvadorien bénéficiant d’une ordonnance de protection lui permettant de rester aux États-Unis. Malgré cela, il a été déporté le 15 mars, un acte qualifié « d’erreur administrative » par les autorités.

L’administration Trump a justifié l’expulsion en accusant Abrego Garcia d’appartenance à un gang, MS-13. Même après une ordonnance judiciaire confirmée par la Cour suprême ordonnant de faciliter son retour, il est resté en détention salvadorienne plus de deux mois avant d’être ramené aux États-Unis le 6 juin pour répondre à des accusations de trafic d’êtres humains.

Reuveni a d’abord pensé que le retour d’Abrego Garcia serait simple, avant d’être bloqué dans ses démarches, invité à « cesser de faire des demandes » et découragé de chercher des éléments en sa faveur ou des coopérations avec le gouvernement salvadorien.

Lors d’une audience, Reuveni a reconnu publiquement qu’Abrego Garcia n’aurait jamais dû être expulsé et qu’il ne disposait pas de réponses satisfaisantes pour le juge Paula Xinis. Ce moment a été perçu comme un revers majeur pour l’administration Trump.

Selon la plainte, son supérieur lui a aussi reproché de ne pas avoir accusé Abrego Garcia d’appartenance à une « organisation terroriste » pendant l’audience, une accusation pour laquelle aucune preuve n’a jamais été fournie.

Lors d’un appel en avril, l’administration a tenté de faire valoir cet argument, mais Reuveni a refusé de signer car les accusations manquaient de fondement légal et factuel, déclarant : « Je ne me suis pas engagé à mentir ».

Conséquences professionnelles et réactions politiques

Le 11 avril, après près de 15 ans de service au DOJ, Reuveni a été licencié.

La procureure générale Pam Bondi a justifié ce départ en l’accusant de ne pas avoir défendu avec zèle les intérêts des États-Unis, une accusation contestée par la plainte de Reuveni.

Ce dernier souligne que dissuader un client de se livrer à des actes illégaux est un devoir important de l’avocat. Il affirme avoir été empêché, menacé, licencié et discrédité pour avoir fait son travail et dit la vérité au tribunal.

Avant cela, il avait reçu des évaluations élogieuses pour son travail en politique d’immigration, notamment durant le premier mandat de Trump.

Face à la diffusion de la plainte, l’administration Trump a tenté de présenter Reuveni comme un ancien employé mécontent. Le procureur général adjoint Todd Blanche a déclaré ne jamais avoir entendu d’incitation à ignorer une ordonnance judiciaire.

Il a accusé Reuveni et des médias comme le New York Times, qui a publié cette plainte, de vouloir saboter la nomination de Bove comme juge de cour d’appel, dénonçant un « journalisme détestable ».

De leur côté, les démocrates ont utilisé la plainte pour dénoncer des manquements graves dans l’administration Trump.

Le sénateur Cory Booker a déclaré sur les réseaux sociaux que « Emil Bove ne respecte pas l’État de droit ni les ordonnances judiciaires » et qu’il « ne mérite pas de siéger à la magistrature fédérale ».

Le sénateur Dick Durbin a salué Reuveni pour son courage en tant que lanceur d’alerte et appelé ses collègues républicains au Sénat à ne pas fermer les yeux sur les conséquences dramatiques de la confirmation de Bove à un poste à vie.

source:https://www.aljazeera.com/news/2025/6/24/us-whistleblower-accuses-trump-officials-of-willfully-ignoring-court-orders

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