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Jusqu’au 7 juin, les Grands Ballets canadien investissent la salle Wilfrid-Pelletier avec une nouvelle adaptation du célèbre ballet Don Quichotte, œuvre emblématique de Marius Petipa revisitée par la chorégraphe Marina Villanueva. Accompagnée par l’Orchestre des Grands Ballets sous la direction de Dina Gilbert, cette production transporte le public au cœur du folklore espagnol tout en respectant les codes de la danse classique.
Une scénographie immersive et somptueuse
Dès les premières minutes, le spectacle impose son atmosphère. Le jeu de transparence du rideau intrigue et installe une ambiance particulière, laissant place à un décor majestueux qui plonge instantanément dans un village espagnol. Pendant les 2 heures 20 que dure la représentation, le public voyage à travers des décors somptueux et minutieusement pensés. Jamais surchargés, ces décors se démarquent par leur réalisme saisissant, renforcé par un éclairage subtil qui modifie délicatement l’environnement selon les scènes.
De la place d’un bourg en bord de mer, jusqu’au moulin battu par les vents, en passant par une forêt mystérieuse, la scénographie captive par sa richesse visuelle. Elle constitue sans conteste la dimension la plus mémorable de cette création, offrant un véritable émerveillement à chaque transition.
Des personnages hauts en couleur mais inégaux
Sur le plan narratif, le spectacle introduit d’emblée Don Quichotte et son fidèle Sancho Panza, incarnés avec un ton très théâtral et des mimiques exagérées, presque clownesques. Cette posture constante oscille parfois entre comique et caricature, ce qui peut donner l’impression d’un manque de nuances ou de profondeur dans leurs personnages. Néanmoins, cette légèreté suscite l’amusement du public, qui s’attache à leurs maladresses et à leurs facéties.
Cependant, leur implication dans la chorégraphie reste limitée, les reléguant souvent au second plan malgré le fait que le ballet porte leur nom. En contraste, l’histoire d’amour entre Kitri et Basilio s’avère beaucoup plus riche émotionnellement. Leur complicité se révèle palpable, tant dans leurs échanges que dans l’alchimie de leurs mouvements. Cette dynamique offre une narration corporelle fluide et touchante, qui contrebalance le traitement plus simpliste des protagonistes éponymes.
Une virtuosité technique au service de la fête
La danse prend rapidement le devant de la scène. La performance des artistes est d’une exigence remarquable : grands jetés, fouettés, pirouettes rythment un ballet qui respecte avec finesse la tradition classique tout en intégrant parfois des inflexions originales. Par exemple, la scène des gitans se distingue par des gestes plus relâchés et des courbes corporelles plus souples, tandis que le second acte s’imprègne des influences du flamenco, avec des portés de tête et de bras caractéristiques, l’utilisation de castagnettes et des claquements de doigts qui colorent la partition.
La musique entraînante de Ludwig Minkus donne une dynamique intense, mettant au défi les danseurs avec des rythmes rapides et techniquement exigeants, notamment sur pointes ou lors de petits sauts précis. Les interprètes relèvent ces défis avec brio, offrant une prestation captivante et énergique. Si quelques répétitions gestuelles paraissent faciles, la chorégraphie demeure riche, variée et techniquement impressionnante.
- Les duos, trios et quatuors s’enchaînent avec fluidité et complicité.
- Les moments d’ensemble, très synchronisés, expriment une puissance scénique remarquable.
- Les saynètes de la vie quotidienne, jouées en bord de scène, ajoutent une touche théâtrale qui complète efficacement la narration.
Ces éléments conjuguent technique et expressivité, même si certains passages narratifs s’étirent parfois un peu en longueur.
Un second acte à double tranchant
Après une incursion réussie dans les saveurs du flamenco, l’acte II s’étire autour de prouesses techniques répétées, parfois sans véritable progression dramatique. Malgré une ambiance toujours festive et une exécution impeccable, l’intrigue semble stagner. Don Quichotte, personnage-titre, est presque absent durant cette partie, faisant presque oublier l’objet initial du récit.
Cette mise en scène privilégie donc la virtuosité et l’esthétique au détriment d’une avancée narrative soutenue, ce qui peut freiner l’engagement émotionnel du spectateur à certains moments.
Un spectacle familial riche en couleurs
En dépit de quelques longueurs et déséquilibres dans le traitement des personnages, cette version de Don Quichotte séduit par sa scénographie époustouflante et ses exploits techniques remarquables. Le spectacle, festif et haut en couleurs, célèbre avec énergie et passion le pouvoir universel de l’amour, offrant un rendez-vous artistique accessible et enthousiasmant pour toute la famille à Montréal.