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La petite enfance est souvent considérée comme une période d’apprentissage sans souvenirs persistants, un phénomène connu sous le nom d’amnésie infantile. Selon cette théorie, il serait impossible pour les enfants de se rappeler d’événements avant l’âge de trois ans, exception faite des traumatismes. Plusieurs explications ont été avancées pour justifier cette absence de souvenirs, notamment un cerveau encore immature, une conscience de soi et un langage en développement, ainsi qu’une perception du temps non encore acquise.
Cependant, une étude récente publiée le 20 mars 2025 dans la revue Science remet en question cette idée reçue. Elle suggère que les nourrissons seraient capables de former des souvenirs, même si ces derniers semblent difficilement accessibles par la suite.
Comment évaluer la mémoire des tout-petits ?
Étant donné que les nourrissons ne peuvent pas encore verbaliser leurs souvenirs, les chercheurs évaluent leur mémoire en observant leur comportement, notamment leur tendance à fixer plus longtemps les visages ou objets familiers. La principale difficulté de ce type d’étude est de maintenir les bébés immobiles dans une machine d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), nécessaire pour mesurer l’activité cérébrale.
Pour surmonter cet obstacle, l’équipe de chercheurs a utilisé des tétines, doudous, peluches et couvertures pour caler confortablement les nourrissons. Ils ont pu ainsi réaliser de nombreuses mesures sans gêner les enfants.
Au total, 26 nourrissons ont participé à l’étude : la moitié avaient moins d’un an, l’autre moitié plus d’un an. Pendant le scan, les bébés ont été exposés à des images de visages, scènes ou objets, puis on leur montrait simultanément une image connue et une nouvelle image.
Des souvenirs encodés dès l’âge d’un an
« Nous quantifions le temps qu’ils passent à regarder l’ancienne image qu’ils ont déjà vue, et c’est une mesure de leur mémoire pour cette image », a expliqué Nick Turk-Browne, professeur de psychologie et auteur principal de l’étude.
Les résultats ont confirmé que l’hippocampe, une structure centrale du cerveau impliquée dans la formation des souvenirs, est actif dès le plus jeune âge dans l’encodage de ces derniers. Les nourrissons qui réussissaient le mieux les tâches de mémoire présentaient une activité hippocampique plus importante.
« Ce que nous pouvons conclure avec précision, c’est que les nourrissons ont la capacité d’encoder des souvenirs épisodiques dans l’hippocampe à partir d’environ un an », a ajouté le chercheur.
Que deviennent ces premiers souvenirs ?
Une question demeure : ces premiers souvenirs sont-ils effacés parce qu’ils ne sont pas consolidés, ou subsistent-ils quelque part, et dans ce cas, peut-on y accéder ?
L’équipe de recherche explore actuellement cette seconde hypothèse. Elle tente de démontrer que les tout-petits peuvent reconnaître des clips vidéo enregistrés depuis leur propre point de vue de bébé.
Les premiers résultats suggèrent que ces souvenirs pourraient persister jusqu’à environ trois ans avant de s’estomper progressivement.