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Malus rural du genre : inégalités femmes-hommes en zone rurale

by charles
France

Le rapport publié le 8 décembre par l’Institut Terram et l’association Rura décrit un «malus rural du genre» : vivre à la campagne agit comme un amplificateur des inégalités entre femmes et hommes. L’étude rappelle que 11 millions de Françaises vivent en zone rurale et subissent une mobilité limitée, des services moins disponibles et un isolement qui freinent leur autonomie professionnelle et leur engagement civique. «On a une image d’Épinal qui empêche de voir les inégalités systémiques», pointe Salomé Berlioux, directrice générale de l’association Rura et co‑autrice de l’étude, dénonçant une vision romancée qui masque la réalité sociale. Pour les auteurs, l’engrenage commence par une géographie régie par la règle du «1 kilomètre = 1 minute» et rend chaque trajet dépendant d’un véhicule.

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Étude Terram et Rura sur les inégalités femmes-hommes en zone rurale.

À la campagne, le malus rural du genre freine l’autonomie et la carrière

Le manque de mobilité pèse lourdement: la règle du «1 kilomètre = 1 minute» rend chaque déplacement difficile et dépendant de l’usage d’un véhicule privé. Dans les zones rurales, le moindre trajet nécessite une voiture, mais celle-ci est souvent partagée inégalement au sein du couple. «Monsieur a souvent la plus récente et la plus fiable, tandis que Madame récupère la vieille voiture pour gérer le travail et les enfants», observe Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire), village de 850 habitants.

«Monsieur a souvent la plus récente et la plus fiable, tandis que Madame récupère la vieille voiture pour gérer le travail et les enfants», observe Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire), village de 850 habitants.

Cette contrainte de mobilité pèse lourdement sur les choix professionnels : faute de transports ou de permis, certaines renoncent à travailler ou acceptent des postes moins qualifiés mais plus proches. La maternité accélère également la précarité : avec huit places de crèche pour 100 enfants (contre 26 pour 100 enfants en ville), l’arbitrage financier sacrifie «rationnellement» la femme aux revenus inférieurs. C’est elle qui s’arrête de travailler, nourrissant un «appauvrissement silencieux».

\"Dépendance
Conditions de vie et mobilité contraintes dans les campagnes françaises.

La maternité accélère également la précarité : les contraintes liées à la garde et au travail influencent fortement les trajectoires professionnelles des femmes vivant en zone rurale.

La domination est aussi spatiale : «Monsieur est dehors» et fait les tâches valorisantes, quand «Madame est dedans», résume Salomé Berlioux. Cet encadrement intime se répercute à l’échelle du territoire et freine l’engagement politique local.

«Monsieur est dehors» et fait les tâches valorisantes, quand «Madame est dedans», résume Salomé Berlioux.

Cette dynamique économique piège les femmes dans le couple : 27 % des rurales (21 % des urbaines) estiment qu’elles ne s’en sortiraient pas financièrement en cas de séparation, contre seulement 9 % des hommes. Cet isolement géographique piège aussi les victimes de violences, confirme Isabelle Dugelet : le «signalement passe souvent par l’école».

Au-delà du portefeuille et de la sécurité, c’est l’accès aux soins qui pâtit de la distance et des déserts médicaux. Dans ce contexte, l’étude souligne l’importance d’élargir les enseignements et d’appliquer des solutions qui fonctionnent déjà ailleurs, afin de réduire les écarts en matière de prévention et d’accès aux services.

Pendant que les hommes investissent dans le durable — immobilier, voiture neuve — et donc ce qui peut se revendre, les femmes assument les dépenses courantes et périssables, comme l’alimentation ou l’habillement des enfants. C’est la «théorie du pot de yaourt» popularisée par l’essayiste Titiou Lecoq et décrite par Félix Assouly, de l’association Rura et co-auteur du rapport : «L’argent des femmes disparaît dans le quotidien, tandis que celui des hommes construit du patrimoine.»

«L’argent des femmes disparaît dans le quotidien, tandis que celui des hommes construit du patrimoine.»

En cas de rupture, l’homme repart avec la maison et la voiture. La femme, elle, avec rien.

Cette fragilité économique piège les femmes dans le couple : 27 % des rurales (21 % des urbaines) estiment qu’elles ne s’en sortiraient pas financièrement en cas de séparation, contre seulement 9 % des hommes. Cet isolement géographique piège aussi les victimes de violences, confirme Isabelle Dugelet : le «signalement passe souvent par l’école».

Au-delà du portefeuille et de la sécurité, c’est l’accès aux soins qui pâtit de la distance et des déserts médicaux.

Une conception universelle ciblant les «utilisateurs extrêmes» : si une solution fonctionne pour une mère isolée dans la Creuse, elle sera efficace pour tout le monde.

«Une conception universelle» ciblant les «utilisateurs extrêmes» : si une solution fonctionne pour une mère isolée dans la Creuse, elle sera efficace pour tout le monde.

Selon l’étude, les auteurs appellent à ce type d’approche pour étendre les bénéfices des politiques publiques aux zones rurales et à leurs habitantes. Le texte insiste aussi sur l’importance d’améliorer l’accès aux services publics, au transport et à l’éducation et de repenser les structures familiales et les finances familiales.

En premier lieu, les résultats de l’étude Terram et Rura invitent à des mesures publiques adaptées et à des solutions universelles pour réduire ces inégalités et renforcer l’autonomie des femmes en milieu rural.

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