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Envie d’un vent de liberté ? Le centre d’art lausannois Le CALM ravive l’énergie des années 80 et son héritage à travers une exposition unique consacrée à l’histoire du graffiti à Lausanne et à l’international. Témoignages et archives rares jalonnent ce voyage artistique vibrant.
Une immersion dans l’histoire du graffiti à Lausanne
L’exposition « La déferlante hip-hop » révèle une riche documentation sur le graffiti à Lausanne dès le milieu des années 80, tout en mettant en lumière sa résonance internationale. En une seule salle, le CALM réussit à conjuguer ces deux dimensions, grâce à une sélection d’œuvres récentes et de documents inédits.
Le parcours s’appuie notamment sur les souvenirs de deux pionniers lausannois du graffiti, Koze et Sena, qui témoignent d’une époque où la création était éphémère, spontanée et sans prétention. Malgré les décennies, ils sont impressionnés par la longévité du mouvement hip-hop et son esprit toujours vivant.
« Le rockabilly, le disco, quel mouvement peut se targuer d’une telle continuité ? Rien de ce que nous faisions n’était censé durer, pourtant c’est cet éphémère qui perdure, paradoxalement », soulignent-ils. Pour eux, tout était « aléatoire », un terme aussi populaire aujourd’hui chez les jeunes générations que celui qui caractérisait leurs débuts.
Les racines d’un art urbain et ses aventures européennes
Les baskets Big Star qu’ils portent toujours symbolisent ces années 80 où ils partaient en groupes pour Londres ou Paris, sans toit ni adresse, mais avec une soif de découvertes et de graffiti. Sena raconte : « On était dans notre truc, avec des moyens rudimentaires et sans prétention. Il ne fallait pas sortir un pinceau au risque d’être attaqué !»
Adolescents, ils ont souvent flirté avec les limites, vivant pleinement l’esprit hip-hop. Devenus adultes, ils ont conservé cette énergie créative et spontanée, partageant anecdotes et rencontres parfois inattendues, comme une nuit passée dans le métro parisien aux côtés d’anciens « tueurs à gages » devenus amis.
En attendant un livre et un documentaire à venir, Koze et Sena sont aujourd’hui reconnus comme figures historiques du graffiti lausannois, exposés avec humilité au CALM, centre d’art contemporain des Plaines du Loup à Lausanne.
Graffiti un jour, graffiti toujours
Au vernissage de « La déferlante hip-hop », les artistes Shem et Skelt ont réalisé une performance live en hommage à Koze et Sena.
L’exposition, portée par des archives inédites, retrace ce mouvement depuis les années 80, incluant des œuvres emblématiques comme le triptyque réalisé pour Art Basel 1984 par A-One, Crash et Daze, prêté par une galerie suisse, jusqu’à des créations contemporaines signées du graffeur lausannois César Bilavie.
Cette démarche patrimoniale repose sur une collecte exhaustive de documents rares : esquisses pour vêtements, carnets de croquis, coupures de presse et albums photos. Sena se souvient encore avec étonnement de leur apparition dans un journal local à l’époque, preuve d’une reconnaissance naissante.
Souvenirs de voyages et premiers clichés
Koze montre une série de photos prises lors de leur premier voyage à Londres en 1984. « Je ne pensais pas que ces clichés pouvaient avoir de la valeur. On a pris ces images dans le métro avec les moyens du bord. Certaines ont même été retirées pour l’exposition sans savoir ce qu’elles apporteraient. C’est formidable de partager tout cela avec les nouvelles générations. »
Pour Koze et Sena, cette chronologie n’a pas vocation à s’arroger un quelconque statut mais plutôt à témoigner d’un moment unique où chacun pouvait s’exprimer librement, malgré les coupes de cheveux et les épaulettes typiques de l’époque.
Pour monter « La déferlante hip-hop », les directeurs du CALM, Oriane Emery et Jean-Rodolphe Petter, ont mobilisé un important travail d’archivage et de recherche afin de sortir ces trésors culturels de l’ombre.
Ces années 80 ont également vu l’arrivée en Suisse des plus grands noms du graffiti américain, tels Basquiat, Phase 2 ou Rammellzee, exposés dans des galeries suisses renommées. Même Keith Haring avait marqué la scène locale au Montreux Jazz Festival.
Si le CALM ancre la scène lausannoise dans un contexte international par ces références, Koze et Sena confient avoir surtout évolué dans leur sphère locale, où chaque ville moyenne voyait naître ses groupes et influences propres, unis par un même esprit hip-hop.
Lausanne, berceau d’une scène urbaine toujours vivante
Jean-Rodolphe Petter, co-directeur du CALM et expert ayant réalisé une étude sur le graffiti lausannois en 2021, observe une scène dynamique et vivante depuis 1984. La ville a su préserver un style ancré dans les débuts du hip-hop, tout en laissant place à une maturation et diversification vers le street art et les tags militants.
Lausanne demeure un lieu d’intérêt majeur pour l’art urbain, notamment grâce à ses anciens graffeurs reconvertis en figures de l’art contemporain, comme Nicolas Party.
Sena souligne cependant une évolution notable : « Nous avons planté des graines et les codes sont toujours là. Mais aujourd’hui, la scène s’est professionnalisée, avec une conscience du succès qui nous était étrangère. Le graffiti est désormais immédiatement relayé sur les réseaux sociaux. »
L’exposition est ouverte au CALM jusqu’au 29 juin, du mardi au dimanche, avec entrée gratuite.