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À la suite du décès du pape François, le 22 avril, les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Toutefois, la Chine a attendu le lendemain pour présenter officiellement ses condoléances, un délai qui révèle les tensions persistantes entre Pékin et le Vatican. Depuis plusieurs années, le pape François s’est engagé dans une démarche diplomatique visant à améliorer les relations entre la Chine et le Saint-Siège, malgré les restrictions sévères imposées par les autorités chinoises sur la liberté religieuse.
Un dialogue complexe entre la Chine et le Vatican
Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré le 22 avril : « La Chine exprime ses condoléances pour le décès du pape François. Ces dernières années, la Chine et le Vatican ont maintenu des contacts constructifs et réalisé des échanges bénéfiques. La Chine est disposée à collaborer avec le Vatican pour favoriser la poursuite de l’amélioration des relations entre les deux parties. »
Cette prise de parole tardive souligne la relation ambiguë entre Pékin et Rome. Le pape François, en tant que chef de l’Église catholique, avait à cœur de rétablir un dialogue fiable avec la Chine, un pays où la pratique religieuse est strictement encadrée. Son admiration pour la culture chinoise et son appel constant au dialogue ont marqué son pontificat.
Dans une interview accordée en 2016 à Asia Times, il avait exprimé son admiration pour la Chine et salué le président Xi Jinping, insistant sur la nécessité de trouver un équilibre mondial par le dialogue : « Le monde occidental, le monde oriental et la Chine ont tous la capacité de maintenir la paix. Nous devons toujours choisir la voie du dialogue, il n’en existe pas d’autre. »
Un passé marqué par des ruptures diplomatiques
Les relations entre la Chine et le Saint-Siège ont été marquées par de nombreux obstacles, notamment l’absence de relations diplomatiques officielles. En 1951, deux ans après la fondation de la République populaire de Chine, le régime communiste athée rompit les liens diplomatiques avec le Vatican et expulsa son représentant officiel, l’accusant d’espionnage. Depuis, le Vatican maintient des relations officielles avec Taïwan, île revendiquée par la Chine.
La Constitution chinoise garantit la liberté de croyance, mais sous certaines conditions restrictives : nul ne doit utiliser la religion pour perturber l’ordre public, nuire à la santé des citoyens ou interférer avec le système éducatif. Les groupes religieux ne doivent pas être contrôlés par des forces étrangères.
Le catholicisme fait partie des cinq religions officiellement reconnues par le Parti communiste chinois, qui supervise leur pratique via des organes officiels, comme l’Association patriotique catholique chinoise (APCC) pour les catholiques. Cette structure diverge du catholicisme mondial, qui est traditionnellement gouverné par le Vatican. En Chine, c’est l’État qui contrôle les nominations des évêques, sans consultation du Saint-Siège, conformément à la politique de « sinisation » des religions imposée par le président Xi Jinping, visant à intégrer les religions à l’idéologie communiste.
Parallèlement, une Église catholique souterraine fidèle au Vatican existe clandestinement, composée d’environ 6 millions de fidèles. Ses membres, y compris des évêques ordonnés secrètement, sont fréquemment persécutés, arrêtés ou voient leurs lieux de culte fermés ou détruits.
Les avancées du pape François
Lors de son accession au trône pontifical en 2013, François a hérité d’une situation délicate : l’Église catholique en Chine souffrait d’un vieillissement de son épiscopat loyal au Vatican et d’une fracture grandissante avec l’Église officielle contrôlée par le régime communiste. Son souhait de visiter la Chine, jamais concrétisé, reflétait son désir d’apaisement.
En 2014, le pape a obtenu une première concession majeure : l’autorisation de survoler l’espace aérien chinois, une première pour un souverain pontife. En 2018, un accord historique fut signé entre Pékin et le Vatican sur la nomination conjointe des évêques. Selon ce compromis, les autorités chinoises et les communautés locales proposeraient des candidats, soumis ensuite à l’approbation du Saint-Siège.
Bien que les détails de cet accord restent confidentiels, il constitue une avancée diplomatique majeure, même si certains critiques y voient une concession excessive de Rome. Les inquiétudes portent notamment sur la situation des catholiques souterrains et leur statut face aux autorités chinoises.
Depuis, cet accord a été renouvelé à plusieurs reprises et restera en vigueur au moins jusqu’en 2028. Le pape François a aussi renforcé la présence diplomatique du Vatican en Chine, en envoyant par exemple le cardinal Matteo Maria Zuppi en 2023 pour une mission de paix sur l’Ukraine, une démarche sans précédent.
Les enjeux pour la prochaine papauté
Face à la mort du pape François, les observateurs s’interrogent sur la continuité de cette politique d’ouverture envers Pékin. Les experts estiment que maintenir un dialogue actif avec la Chine est essentiel pour que le Vatican conserve son influence internationale et que l’Église catholique reste présente dans ce vaste pays.
Pourtant, Pékin semble pour l’instant peu enclin à renforcer ses relations avec Rome, étant davantage concentré sur ses tensions croissantes avec Washington dans le cadre d’une guerre commerciale américaine. La Chine pourrait même renier l’accord de 2018 sans craindre de répercussions importantes.
Malgré cela, des voix comme celles de Michel Chambon et Lai Pan Chiu recommandent au prochain pape de poursuivre les efforts de dialogue. Une collaboration constructive pourrait permettre d’aborder ensemble des enjeux mondiaux tels que la faim et la pauvreté. Une visite papale en Chine serait un symbole fort, selon Chambon : « La Chine est un pays d’une importance capitale aujourd’hui, l’Église catholique doit l’embrasser. »
Inversement, un revirement radical pourrait nuire à l’image du Vatican comme médiateur international et contribuer à une polarisation dangereuse des relations mondiales. De plus, cela risquerait d’aggraver la pression gouvernementale sur les catholiques chinois, notamment ceux de l’Église souterraine, déjà victimes d’arrestations d’évêques et de démolitions d’églises sous le prétexte de violations locales.