Table of Contents
Face à l’hégémonie des géants américains du cloud, des éditeurs français tels que Wimi, Jamespot ou Linagora mettent en avant des solutions numériques indépendantes. Toutefois, faute de coordination entre les acteurs, ces initiatives peinent à se regrouper en une alternative cohérente.
La question de la souveraineté numérique s’impose dans un contexte marqué par l’extraterritorialité du droit américain. Le Cloud Act, adopté aux États-Unis en 2018, autorise les autorités à accéder aux données détenues par des entreprises américaines, quel que soit leur lieu d’hébergement. Cette législation suscite des préoccupations croissantes en France, notamment parmi les organisations souhaitant garder le contrôle de leurs informations stratégiques. Dans ce contexte, plusieurs éditeurs français entendent proposer des alternatives collaboratives locales, sécurisées et respectueuses des principes éthiques de la gestion des données.
Wimi, une approche collaborative orientée projet
Wimi propose une suite collaborative orientée projet, organisant le travail en fonction des projets plutôt qu’en se basant uniquement sur les documents. « Tandis que d’autres outils proviennent du monde de la bureautique, nous avons choisi une approche orientée projet, avec des droits d’accès définis au niveau de l’organisation et du projet », précise Antoine Duboscq, président de Wimi. L’ensemble de l’infrastructure est hébergé en France, sous le contrôle direct de l’entreprise.
En termes de fonctionnalités, la plateforme couvre l’ensemble des besoins collaboratifs modernes, tels que le partage de documents, la gestion de fichiers (type drive), les chats, la gestion de tâches et de projets, les calendriers partagés, la messagerie, la signature électronique et la visioconférence. Wimi se distingue également par l’intégration de l’IA, avec un agent déjà disponible. Des versions futures devraient inclure d’autres fonctionnalités basées sur l’IA. La plateforme met en avant un fonctionnement transparent, avec des options renforcées pour les utilisateurs ayant des exigences spécifiques en matière de sécurité, comme Ardmound, qui propose un chiffrement de bout en bout, ou Résilience, une solution conçue pour maintenir l’activité en cas de crise.
Le marché français des outils collaboratifs
Wimi n’est pas le seul acteur à défendre une alternative souveraine. Jamespot, spécialiste des réseaux sociaux d’entreprise, propose une plateforme collaborative modulable, intégrant des outils de gestion de tâches, visioconférences, sondages et suivi de projets. L’hébergement est assuré en France, avec une offre destinée aussi bien aux collectivités territoriales qu’aux entreprises privées.
Par ailleurs, Jamespot participe au projet Collabonext, dans le cadre du plan de relance France 2030, visant à développer une suite bureautique et collaborative en cloud (éditeur de texte, tableur, présentation, chat, mail, gestion de projet). Lors du Forum International de la Cybersécurité (FIC) 2023, l’entreprise a été mentionnée parmi les acteurs soutenant le développement d’un cloud de confiance aux côtés de Linagora, Wimi et d’autres éditeurs français.
Linagora, pour sa part, a développé la suite collaborative open source OpenPaaS, fondée sur une architecture modulaire combinant messagerie, agendas, contacts et outils de travail partagé. Bien que l’entreprise ait suspendu temporairement son assistant GenAI Luci, un projet visant à créer un modèle d’IA basé sur des données françaises et libres de droits, elle reste engagée dans une approche fondée sur la transparence, l’ouverture du code et la gouvernance partagée. Enfin, Cheops Technology, fournisseur de services cloud, propose des infrastructures d’hébergement qualifiées SecNumCloud, garantissant la conformité des solutions collaboratives aux exigences de sécurité du secteur public. Parmi ses récentes innovations, Cheops a lancé début 2023 Mail In France, une solution de messagerie sécurisée, désormais pleinement opérationnelle.
Initiatives publiques
Dans le cadre de la modernisation numérique de l’État, la Suite Numérique s’inscrit dans le programme Tech.gouv porté par la DINUM. Ce bouquet de services collaboratifs comprend des outils de messagerie, de partage de fichiers, de gestion documentaire, de visioconférence et de gestion de projets. Il est destiné aux agents des administrations centrales, des collectivités territoriales et des établissements publics. La Suite Numérique repose sur les technologies de plusieurs éditeurs français, dont Jamespot, Linagora et Nextcloud.
La DINUM met également à disposition la plateforme docs.numerique.gouv.fr, qui centralise la documentation relative aux services numériques de l’État, aux outils recommandés, ainsi qu’aux bonnes pratiques en matière de sécurité et d’accessibilité. Cette plateforme aide les administrations à adopter des solutions numériques conformes aux standards définis par l’État.
Des efforts encore fragmentés
Malgré ces initiatives, les acteurs restent indépendants, sans coordination technologique ou commerciale. Pour véritablement constituer une alternative crédible aux solutions dominantes comme Microsoft, il est nécessaire d’aller plus loin. La coopération entre ces entreprises françaises semble essentielle.